Les ArTpenteurs

Carnets de route Odyssée Karavana 2019

Bonjour

Vous faites partie des proches de la compagnie des arTpenteurs. Vous êtes de la famille, des amis, des fidèles ou encore des donateurs. Nous vous proposons par ce courriel de suivre les aventures de notre odyssée méditerranéenne pour rejoindre Plovdiv Capitale européenne de la culture 2019 en Bulgarie en passant par Thessalonique en Grèce. Les arTpenteurs avec leurs spectacles Odysséia et Iliade Forever (par Alain-Serge Porta) sont accompagnés par la compagnie Belge des Arts Nomades. Ensemble nous retrouverons 13 autres compagnies à Plovdiv pour créer un grand évènement du 1er au 10 juin prochain.

Voici nos dernières nouvelles:

Un départ épique

Yverdon-les-bains, la plage.

Ce mercredi 15 mai au matin, le lac prenait des allures de Méditerranées. La bise soufflait du nord, les vagues déferlaient. Les hirondelles volaient à toute allure au ras du sol, comme pour offrir un dernier salut ; j’aime à penser qu’Athena nous faisait signe, elle qui se transforme en hirondelle pour influer sur le dernier combat d’Ulysse contre les prétendants. Sur l’herbe verte du campement, les caravanes étaient ballotées dans tous les sens dans une grande valse au rythme anarchique et joyeux. Les Arts Nomades et les arTpenteurs tissaient des lignes étranges avec leurs attelages. Cela nous a bien pris une heure trente pour en arriver à aligner un convoi de 8 caravanes et un gros bus. Prêts au départ. Saperlipopette, nos amis belges sont devant mais ne connaissent pas le chemin. Allez, on mélange et on recommence durant quinze minutes et cette fois c’est parti.

Nous traverserons les Alpes pour retrouver la Grande Bleue. Quelques siècles après Hannibal et ses éléphants. Les caravanes vertes passent mais nous n’avons pas entendu les chiens aboyer. Yvan prendra le ferroutage, France, Julie et Simon également. Le gros de l’équipe s’attaque au col du Simplon, c’est magnifique entre neige et pierre argentée. Notre convoi finira par s’étirer sur plus de 50 km. Que tu viennes du Plat Pays ou des Alpes, la solidarité est de mise, assurée par des binômes au-delà des frontières. Tout va bien, rien à déclarer, les douanes se passent avec tampons obligatoires pour les Carnets ATA. Nous prenons notre élan depuis le Simplon et traversons le nord de l’Italie. Une autoroute envahie de camions qui coupe en deux un paysage monotone bordé d’entrepôts à l’infini. Ici tout semble bâti pour l’empire des Poids Lourds ; On est loin de la Princesse au petit pois et sa sensibilité à fleur de peau ; tout est béton et macadam. De rares fermes flottent encore au milieu des champs ; des Campaniles étonnés et bienveillants dressent la tête. Au nord les Dolomites se déguisent en pays du Mordor, le ciel est agité, le coucher du soleil splendide. Dans la profonde nuit nous nous échouerons les uns après les autres sur un parking surgi de nulle part, comme une île au milieu d’une mer de camions. La longue attente sur le quai commence, notre ferry apparaitra tout en lumière au petit matin. Nous sommes à Venise.

Tu te demandes comment tous ces véhicules pourront embarquer dans un seul navire. Et quand ton tour arrive, tu grimpes les étages en tirant bon an mal an ta lourde caravane et te retrouve dans un champ de manœuvre hallucinant. Des camions, des camping-car, des caravanes doivent faire demi-tour dans étrange ballet. Heureusement tu as une sorte d’elfe de maison qui porte un dossard jaune fluorescent marqué « Crew » qui se met devant ton véhicule et te hurle des ordres dans un charabia italo-greco- anglais en faisant des gestes très rapides avec les mains. Ne t’inquiète pas ils sont là pour t’aider à parquer ton attelage en marche arrière et à tourner ton volant dans le bon sens. Même si tu ne comprends rien, tout finit par s’arranger, ces types sont monstrueux et décidément très forts. Des demi-dieux je vous dis.

Nous grapillons quelques heures de sommeil bienvenus en nous effondrant dans des cabines borgnes. Au fond des cales un feu d’enfer actionnant pistons et machines fait trembler toute la carlingue. Perdu au fond du lit tu es soumis à un massage vibratoire permanent qui te donne l’impression d’aller à des vitesses folles. Tu t’accroches au coin du lit. Et sombres.

Des couloirs interminables et vides. Tu verrais débouler un gamin en tricycle ou tomberais sur 2 petites sœurs jumelles que tu ne serais pas étonné. Mais pas de type furieux et halluciné qui défonce ta porte à coup de hache.

Je suis dans le « main lounge ». Je me suis déplacé de 2 ou 3 places ; Un jeune couple heureux faisait passer sur leur téléphone portable une galerie de sonneries aux airs classiques à leur bambin comblé.

Je suis maintenant au bord d’un grand hublot et vois défiler à perte de vue la mer. Oui c’est ça, comme si j’étais sur place et que c’est le bleu de la mer qui passait ; le bleu du ciel lui ne bouge pas. Ainsi la vie semble passer et toi, tel le petit poisson dans l’aquarium, tu la regarde… Tu vas finir par te noyer d’ennui avec ta philosophie à la petite semaine. Mais bon c’est quand même méditatif… Allons-nous finir par atteindre les limites du fleuve océan, comme disait les grecs antiques, celui qui ceinture le monde ?

Ah, le monde a des limites ? Eh oui, nous sommes même effondrés de l’apprendre.

Ici, c’est aussi le règne des retraités. Des retraités actifs et joyeux ; la plupart en ribambelle, volant de douceurs en pâtisseries. La bonne humeur veille. Existe-t-il un dieu grec pour les retraités ? Les motards eux sont plus sérieux, voire un peu taciturnes. Quelques jeunes couples éparpillés. Dans les haut-parleurs ça parle grec, italien, allemand et anglais. Sur les écrans des chaines italiennes, il y a des émissions présentées par de pulpeuses jeunes femmes un peu trop maquillées, les hommes sont en gris et en costard, ils ont la parole et semblent important ; le public s’extasie et applaudit. Existe-t-il encore un dieu romain pour le machisme ?

De toute façon, ces écrans sont muets et regardés par personne.